8BN-Trois Rivières 2018

9 Septembre 2018
Claude Côté

Trois-Rivières-en-blues: bilan de la 10e édition
Par décision unanime
Une bouffée d’optimisme règne après une édition-phare qui remplit toutes les promesses

Image de Geroge Thorogood chantant avec guitar électrique
George Thorogood
Lorsque le programmateur Brian Slack a accepté de rencontrer les deux trifluviens Christian Gamache et Jean Boudreau au restaurant Lafleur coin St-Denis/De Maisonneuve à Montréal il y a onze ans afin d’établir les ébauches d’un festival de blues à Trois-Rivières, la vision à court terme était de mise. 

La dixième édition qui s’est terminée avec éclat le 26 août dernier permet d’envisager un avenir séduisant. À quelques dizaines près, tous les passeports ont été vendus. 3,500 spectateurs et plus par soir à l’amphithéâtre Cogeco, y compris la partie gazonnée derrière les sièges. Les ventes aux concessions (bière, nourriture, articles souvenirs, t-shirts, etc.) ont en revanche battues un record. De quoi faire sourire Gamache et sa vaillante équipe. Et Steve Dubé, patron de l’amphithéâtre. Et le maire Lévesque. Et les 64 % de spectateurs qui sont venus de l’extérieur de la Mauricie. Du développement, c’est ça. Trois-Rivières-en-blues grandit et rayonne. Sur le grand échiquier des festivals d’été, la troisième semaine d’août leur appartient. C’est quasiment une clause grand-père. Un droit acquis. C’est mérité. Avec la passion du blues, le dévouement sans borne de ses bénévoles et la vision de Brian Slack qui a autant de pif que le gadget qui le tient occupé, les jours heureux sont à venir. The best is yet to come.

La musique a chauffé à blanc le public. Les publics. Celui des trois soirs au superbe amphithéâtre, celui de la rue Badeaux, épicentre des premiers balbutiements, celui du Tailgate party qui a découvert un Spencer McKenzie juvénile au possible, un Pat Loiselle en mode groove et un Fuel Junkie efficace. Mais aussi celui, plus modeste, de l’Église St-James, l’un des joyaux de la divine rue des Ursulines, qui a goûté chaque instant de la performance ecclésiastique et non moins providentielle de Harpdog Brown, l’harmoniciste venu de l’ouest canadien. Il y en aura d’autres, des concerts intimes de blues dans ce lieu magique et improbable. Culture Trois-Rivières a embarqué dans le projet et Slack nous a concocté une affriolante affiche pour l’automne. Parmi les statues dantesques, le mobilier d’église et le respect que confère l’endroit, il s’est véritablement passé quelque chose. Une communion qu’on espère encore et encore.

Les bars ont triomphés. Remplis à ras-bord. Les quatre soirs. Que ce soit au Trèfle, au Carlito, Au Grill, Au Centro, au Buck sur la petite rue St-François-Xavier et à l’Embuscade pour ne nommer que ces endroits, il y en a quinze (!) en tout, le public a décidé de ne pas en perdre une miette.

L’amphithéâtre, cette grande dame 

Plusieurs se sont laissé prendre sous le charme de cette salle parfaite, calibrée à toute éventualité, lovée sur le fleuve comme une robe de bal, devenue par sa majestueuse architecture LE bâtiment symbolisant le Trois-Rivières moderne. Au jour 1, le 23 août, on pénétrait dans l’enceinte avec la fébrilité d’une rencontre amoureuse: un an d’attente avant de s’épancher sur la jeune Samantha Fish, moitié blues, moitié country, guitare en bandoulière et coiffure à la B-52’s, marchant dans les pas d’une Susan Tedeschi, la fière allure. Huit musiciens l’ont épaulé dans sa conquête avec un résultat honorable pour une première visite. Ensuite, George Thorogood a créé avec son rock’n roll qui ne garde aucun prisonnier l’effet festif annoncé. Tout a été joué. Aucune immortelle n’a été oubliée. Six gros modules lumineux ont tapissé le festin, Thorogood s’est souvent adressé au public de ‘’Three Rivers’’, il a le don de ces petites phrases qui créent une certaine connivence avec le public avec des pointes d’humour et un esprit cabotin. Un grand ado de 68 ans. À chaque nouvelle tournée, la tâche est encore plus rude: il n’a pas le droit de décevoir, et doit se montrer à la hauteur de cette réputation surdimensionnée par la légende. Un vrai pro de la scène. Et son jeu à la guitare, entre autre sur son Epiphone, n’a pas pris une ride. Le comité organisateur a d’ailleurs eu droit à quelques photos souriantes avec le rockeur après le concert.

Au jour 2, le 24 août, le programme-double proposé était un agréable modulé de couleurs. Roomful of Blues, à l’aide d’une frugale instrumentation, a captivé un auditoire qui ne demandait qu’à décoller! Avec un excellent chanteur, Phil Pemberton, qui passe du grave à l’aigu sans le moindre effort, et les échanges sulfureux des cuivres, on a eu droit à une copieuse entrée. Ce choix de programmation est inattaquable. La quintessence du blues-swing, on l’a eu en pleine face. Puis Randy Bachman, 75 ans, accompagné d’un groupe de tournée archi-compétent a littéralement survolé la soirée. Des Guess Who à BTO avec quelques clins d’oeil en prime à AC/DC, Steve Miller et autres monstres du rock, on a eu un concert qui ressemblait à un surprise-party. Tout le monde s’est levé, tout le monde a chanté. L’ogre canadien, homme acharné depuis les aurores bleues du British Boom a vaincu.

Au jour 3, samedi, la primeur de Chicago plays the Stones a ajouté une valeur inestimable à la soirée. En plus de la visite rare des bluesmen, le disque était fraîchement déballé des cartons et disponible à la vente. Ça sentait le neuf, comme on dit. Billy Branch et Ronnie Baker Brooks ont entre autres titres des Glimmer Twins joué Play With Fire, Heartbreaker, Gimme Shelter, Miss You (la grande émotion) et Sympathy For The Devil (le clou du spectacle), inoubliable morceau fédérateur….Oui on a chanté tous en choeur : Hoo Hoo!

Buddy Guy a suivi, mi-sérieux, mi-effaré de trouver un public si emballé. L’accueil triomphal, la promenade dans la foule, la chemise à pois, Buddy Guy tranche par la grâce et le félin doigté de son approche d’une splendeur érotique. Sessionman chez Chess aux côtés de Muddy Waters et Willie Dixon avant de faire équipe avec Junior Wells, l’âme du blues de Chicago a plané. 

Et la rue Badeaux? Ça prend un autre texte...dans pas long. Suite et conclusion à venir!
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